Hommage à Jean-Luc Nancy

Hommage à Jean-Luc Nancy | Disparaître pour apparaître ou apparaître pour disparaître (suivi de trois poèmes) #8

Jean-Luc Nancy

La mort de Jean-Luc a sincèrement, c’est-à-dire profondément attristé beaucoup d’entre nous, au-delà de leur personne en quelque sorte. Je n’ajouterai pas aux élans nécrologiques, si répandus et significatifs, mais voudrais former une hypothèse concernant la tristesse singulière que suscite le départ de quelqu’un. Nancy représente un mouvement d’expression, de pensée se disant en s’écrivant auprès du réel, un essai vivant pour mieux comprendre ce que font les choses et les êtres dans un monde s’organisant. Il est nécessaire de mieux tenter de dire ce qu’il était, et ce qu’il est, cette espèce de « vie générale », de décrire qui il pouvait être au-delà de sa propre personne, car nous le pressentons autrement dans son départ. Déjà, on voit s’esquisser d’intéressants portraits, attachés à préciser une idiosyncrasie prometteuse, avec ses complexités, ses questions. C’est une manière de don immédiat et rare, impressionnant, que nous lui devons : le don de son apparente disparition, ou de sa vivante manière de disparaître pour apparaître.

« Contre un Boileau », Philippe Beck (Fayard, 2015)

Comme logé tranquillement dans son apparaître, à la manière de sa voix, dont on ne sait si elle se montre ou se retire en sa calme et enveloppante gravité, Nancy, ce « beau vieillard », ainsi qu’il s’appelait à l’occasion, unit poids et dignité, et fait avec le monde. Il est comme co-extensif au réel qu’il aborde. Cette voix qui s’écrit en parlant, s’inscrit en impliquant l’écoute ou l’entente, j’aimerais savoir si elle est poétique ou philosophique, et dire pourquoi la question est préoccupante. La diction ajustée qui la caractérise, à la fois personnelle et impersonnelle, dense et traversière comme son mode d’apparaître, relève-t-elle d’une manière de peindre la grisaille sur la grisaille qu’il reconnaît être celle de la philosophie ? Ou bien aspire-t-elle au poème et, dans ce cas, de quoi parlons-nous en fait de poésie ? « Si nous comprenons, c’est poétiquement », dit-il, entre romantisme chaud et romantisme froid. Je reviens dans un instant à cette distinction de 2015 (où se discerne d’ailleurs une guerre entre deux sobriétés), suggérée lors d’un dialogue strasbourgeois à la Librairie Kléber, à l’initiative d’Isabelle Baladine Howald, et dont le prétexte fut la parution de Contre un Boileau[1]. Ce qui explique ou autorise une question de cet ordre, c’est en l’occurrence un petit fait de la vie, avec sa force : notre premier échange eut lieu au téléphone en 1997 (j’avais quitté Strasbourg en 1982), après l’envoi d’un livre de poésie et sa prompte réponse par lettre[2]. L’échange des voix comme premier effet de l’interrogation du poème est donc à l’origine d’un dialogue où je jouerais tour à tour le rôle explicite du poète (métier) et celui, plus ou moins implicite, de l’enseignant en philosophie ou de l’« éveilleur d’esprit » comme il m’appela généreusement (profession). Le premier Nancy, antérieur à l’opération du cœur, en tant qu’auditeur-spectateur je l’ai vu intervenir ponctuellement en 1981, et son mode d’être me semblait marmoréen, fait d’un bloc austère, ne le se laissant guère impressionner, serait-ce par Lévinas donnant une conférence magistrale. Je n’ai pas été étonné d’entendre Hélène Nancy dire que l’opération l’avait rendu humain, et je n’ai connu réellement que le second Jean-Luc. (D’autres diraient qu’avec son cœur nouveau, d’inhumain, il est devenu surhumain.) Humain veut dire ceci peut-être : impersonnellement personnel comme une vie générale, mais non pas de l’existence d’un Merlin coupé du monde et observant ses pensées séparées. L’humanité se cherchant dans la diction d’une voix qu’abrite un corps assumé sans affectation auprès des uns et des autres, voilà de quoi il est question. Mais il faut tenter de préciser les choses, ou le portrait, l’unité d’une musique vocale et d’une peinture (d’une présentation et d’une représentation) du mode d’apparaître de quelqu’un. Je reviens à la question, qui déborde le seul domaine de l’art, à supposer que l’art soit un domaine : sa voix obéit-elle au philosophème ou au poème ? Il ne faut pas se méprendre sur l’aspect scolaire d’une telle interrogation. C’est que Jean-Luc y tenait, y tient : la philosophie, par constitution (et il se dit philosophe, sans manière), peint la grisaille sur la grisaille et sait venir après la vie qu’elle s’efforce de restituer, car la chouette qui est l’attribut de Minerve, l’animal qui accompagne la déesse de la sagesse en sa perspicacité, si elle voit dans le noir, ne prend son envol qu’au lever du jour :

« Pour dire encore un mot sur la prétention d’enseigner comment doit être le monde, nous remarquons qu’en tout cas, la philosophie vient toujours trop tard. En tant que pensée du monde, elle apparaît seulement lorsque la réalité a accompli et terminé son processus de formation. Ce que le concept enseigne, l’histoire le montre avec la même nécessité : c’est dans la maturité des êtres que l’idéal apparaît en face du réel et après avoir saisi le même monde dans sa substance, le reconstruit dans la forme d’un empire d’idées. Lorsque la philosophie peint sa grisaille dans la grisaille, une manifestation de la vie achève de vieillir. On ne peut pas la rajeunir avec du gris sur du gris, mais seulement la connaître. Ce n’est qu’au début du crépuscule que la chouette de Minerve prend son vol. »[3]

Le fait de parler, d’écrire sa parole, de la porter et de la déplier auprès des autres, lui était comme naturel, aussi naturel que d’être auprès de ceux qu’il accueillait inlassablement, étonnement (réceptivité) et curiosité (action) mêlées. J’aimerais en somme dire un peu comment une telle parole, en son assurance, sa tranquillité pensive, était et n’était pas aimantée au poème, à la jeunesse du dire et à l’ambition de ne pas être en retard sur la vie. La formule « Si nous comprenons, c’est poétiquement », comment l’entendre dans la grisaille ? Veut-elle dire que la philosophie a absorbé la vie de la poésie, la poésie du monde, la naïveté des poèmes se croyant immanents au réel qu’ils chantent ? Que la prose spéculative a décidément pris le relai de la musique du poème pour une aube du sens plus sobre et sèche, moins présomptueuse ? Il est difficile de savoir ce qu’en pense au fond Nancy, tant il oscille et n’entend pas cesser d’osciller : « Poésie et philosophie. Chacune fait la difficulté de l’autre. » « Ensemble, elles sont la difficulté même : de faire sens. » À lire de près ces mots, on entend que la « résistance de la poésie », malgré sa tendancielle absorption ou résorption dans la prose pensive, consiste en ce qu’elle doit résister réellement, concrètement à la grisaille, grâce aux poèmes vrais qui paraissent et se donnent au public. Il y a donc un irréductible partage de l’acte de « faire sens » entre le réel de la philosophie et le réel de la poésie (que rien ne périme). Nancy peut ainsi dire que la philosophie est un faire et que le faire n’est pas réservé au poème. Il y a, en Nancy, à même sa parole s’écrivant, son écriture se parlant, à la fois un refus et une obéissance. Il y a un refusde simplement identifier la prose philosophique au poème réel (qui insiste à se rapporter au vers malgré tout, aux découpes musicales des descriptions suggestives, etc.), disposition qui enveloppe une résistance de la philosophie à l’ambition chromatique du poème, un pari sur la grisaille crépusculaire qui dégrise tout de même, une irréductible sobriété mélancolique, une saine vieillesse du concept dans le retard du crépuscule où commence l’envol d’une puissante révélation de l’idéal. Ce refus de se livrer au poème appartient au raisonnement, et peu importe que le texte philosophique interroge la raison même ou n’y consente pas.

Portrait de Hegel, Mitchell Nolte

Cependant, il y a également, et doucement, une obéissance transcendantale, dénuée de tourment, à l’idée de la poésie, une réticence à l’égard du résumé de la situation moderne que Benjamin tire de Novalis au moyen de la formule tant reprise en guise de slogan hypnotique : « L’idée de la poésie, c’est la prose. » Non, Jean-Luc, sans le déclarer distinctement, savait, en son oscillation parfois ambivalente, que « l’idée de la prose, c’est la poésie ». (Sentiment, ou opinion, d’Aristote déjà, à la fois dans la Rhétorique et dans la Poétique, et que Hegel reprendra en parlant de la « première stylisation de la pensée », d’essence et d’existence poétiques.) C’est pourquoi la phrase, « Si nous comprenons, c’est poétiquement », qui estompe l’antique différend inventé par Platon, décrit l’ambiguïté même de notre situation, avec laquelle Nancy composait. En 2015, pour y revenir, lorsque je résumai un chapitre de Contre un Boileau en disant que Genette (l’éditeur, avec Todorov, de l’Absolu littéraire où Lacoue-Labarthe et Nancy avaient traduit et présenté les principaux textes du premier romantisme), était un « romantique », Jean-Luc s’est tourné vers moi presque surpris et a répliqué : « Un romantique froid, alors ! » Précieuse remarque, qui ouvre à la révélatrice distinction entre un romantisme froid, sec ou glacé, que l’Athenaeum n’avait pas empêché, et un romantisme chaud ou vivant, préservant les questions difficiles déposées et condensées au fragment 116, qu’il faut citer à nouveau ici :

« La poésie romantique est une poésie universelle progressive. Elle n’est pas seulement destinée à réunir tous les genres séparés de la poésie et à faire se toucher poésie, philosophie et rhétorique. Elle veut et doit aussi tantôt mêler et tantôt fondre ensemble poésie et prose, génialité et critique, poésie d’art et poésie naturelle, rendre la poésie vivante et sociale, la société et la vie poétiques, poétiser le Witz, remplir et saturer les formes de l’art de toute espèce de substances natives de culture, et les animer des pulsations de l’humour. Elle embrasse tout ce qui est poétique, depuis le plus grand système de l’art qui en contient à son tour plusieurs autres, jusqu’au soupir, au baiser que l’enfant poète exhale dans un chant sans art. Elle peut se perdre dans ce qu’elle présente au point de donner à croire que son unique affaire est de caractériser des individualités poétiques de toutes sortes ; et pourtant il n’y a encore aucune forme capable d’exprimer sans reste l’esprit de l’auteur : si bien que maint artiste, qui ne voulait qu’écrire un roman, s’est par hasard présenté lui-même. Elle seule, pareille à l’épopée, peut devenir miroir du monde environnant, image de l’époque. Et cependant c’est elle aussi qui, libre de tout intérêt réel ou idéal, peut le mieux flotter entre le présenté et le présentant, sur les ailes de la réflexion poétique, porter sans cesse cette réflexion à une plus haute puissance, et la multiplier comme dans une série infinie de miroirs. Elle est capable de la suprême et de la plus universelle formation ; non seulement du dedans vers l’extérieur, mais aussi du dehors vers l’intérieur ; pour chaque totalité que ses produits doivent former, elle adopte une organisation semblable des parties, et se voit ainsi ouverte la perspective d’une classicité appelée à croître sans limites. La poésie romantique est parmi les arts ce que le Witz est à la philosophie, ce que la société, les relations, l’amitié et l’amour sont dans la vie. D’autres genres poétiques sont achevés, et peuvent à présent être entièrement disséqués. Le genre poétique romantique est encore en devenir ; et c’est son essence propre de ne pouvoir qu’éternellement devenir, et jamais s’accomplir. Aucune théorie ne peut l’épuiser, et seule une critique divinatoire pourrait se risquer à caractériser son idéal. Elle seule est infinie, comme elle seule est libre, et elle reconnaît pour première loi que l’arbitraire du poète ne souffre aucune loi qui le domine. Le genre poétique romantique est le seul qui soit plus qu’un genre, et soit en quelque sorte l’art même de la poésie : car en un certain sens toute poésie est ou doit être romantique. »

Fragment célèbre qui, on le souligne peu, distingue deux verbes, « mêler » (mischen) et « fondre » (verschmelzen) : mêler en quelque manière le poème et le philosophème, les unir en les articulant dans la différence, compliquer les modes, ce n’est pas encore, et même pas du tout, les fondre, les résorber l’un dans l’autre. À quoi on doit ajouter ceci : le « flottement » entre « le présenté et le présentant » (le fond et la forme, dirions-nous), que désigne ce fragment à la fois provocant et (trop) ouvert, libère la chaleur d’une oscillation infinie, d’une indécision accueillie ou concertée entre les deux pôles d’une antinomie de l’expression, appelés Poésie et Philosophie. On ne tranchait pas de l’inclination à « fondre » ou à « mêler » seulement, pour le meilleur et pour le pire, si bien, et Jean-Luc le sait, qu’on pouvait toujours comprendre le « mélange » comme « fusion », en autoriser l’accomplissement jusqu’à faire disparaître l’essentiel, à savoir la mutuelle résistance des pôles. Au cours de la même conversation de 2015, j’ai risqué de définir le propre de la démarche poétique de la manière suivante : « une avancée sur la ligne de crête entre le son et la signification », sans basculement d’un côté ou de l’autre, sans sacrifice du dire au profit du dit, du signifiant (de la forme, du contenant) au profit du signifié (du contenu), dans l’intervalle qui les réunit en les distinguant comme le recto et le verso de la feuille ou plutôt les deux flancs de la montagne du sens. Montagne pointue ou défilé d’une extrême finesse, certainement, mais enfin la réalité demeure celle d’une difficulté de ne pas constamment incliner à aimer la signification (tropisme philosophique et prosaïque ordinaire, où s’oublie délicieusement la musique du sens qui le conditionne pourtant). Lorsque se présente une expression qui s’attache réciproquement au rythme et aux sonorités où elle réalise ce qu’elle dit (on peut l’appeler un poème), la bascule inverse devient la tentation, et c’est pourquoi il convient d’avancer en résistant deux fois, à la « musique pure » (à la « poésie sonore ») et à la « didactique pure » (à la philosophie supprimant son dire). Jean-Luc s’est à nouveau tourné vers moi et a dit : « Mais c’est cela, l’écriture en général, cette avancée sur la ligne de crête entre le son et le sens. » Il décrivait ainsi magistralement la logique de son oscillation entre la Lignée Novalis et une autre Lignée qu’il est malaisé de nommer (est-ce la Lignée Orphée ?). Car, d’une part, toute écriture, pour être écriture, doit faire droit à l’exigence poétique, qui est de résistance aux deux bascules, et, d’autre part, ce faisant, l’écriture vraie obéit à son transcendantal, qui est l’idée de la poésie. L’idée de la poésie doit toujours se présenter en des poèmes modernes et contemporains, de ceux que Jean-Luc accueillait sans inquiétude ni réserve. La grisaille ne peut avoir le dernier mot et cette vérité résonne dans la voix de Jean-Luc, entre musique et peinture, berceuse et clairon, expression et intention, suggestion et description. Il y avait une fois un intervalle, périlleux, entre le romantisme froid et sec et le romantisme chaud, épris de ses questions les plus brûlantes et vivantes, et jamais l’exacte délicatesse de Nancy n’oublie de suggérer que le différend entre le Poème (la suite des images suggestivement rythmées) et le Philosophème (la suite des explications rejetant sa musique) n’en est pas un : l’amour différentiel qui les régit indique la vérité d’une voix juste, de part et d’autre, non loin de la fin de la monotonie, où le retard des mots s’estompe réellement.

Portrait de Novalis, Frnaz Gareis, 1799



Trois poèmes pour Jean-Luc Nancy[4]

ESPACE

à Jean-Luc

1. ESPACE

Espace est la forme de sublime.
L’au-delà ici.
Il est sens premier.
Et donne à penser.
Livreur, placeur
et réceptivité.
Il place des éléments,
relie pensées de monde
possible.
Broche première est un bouquet
sensible.
Par fleurs côte à côte
ou au large.
Bien.
Il est Forme d’amour,
car am. est arc ou suite
d’atomes bandés, étoffés.
Il lance des tiges principales.
Espace est relation finale
et débutante.
Sentiment commence comme
tension ou étendue de quelqu’un ;
pour quelque chose dehors.
Il s’appelle arc
littéralement.
Cupidon est physicien.


2. CALMEMENT

Nancy, dur ancien,
n’a pas été calmé.
Il est maintenant le sévère
dans le calme,
le traceur impavide
ou impassible,
la voix grave et longue,
où l’autre est logé,
le phrasé tactique
et mieux que ça,
le phrasé disposant,
proposant, entraînant,
le Oui-Long
calmant.
Il est une âpreté
d’un genre neuf ou spécial.
Nancy prend avec.
Au passage ?
Non.
Il est prenant,
et dispose
à être saisi, captivé.
C’est le non-prisonnier
lent et continu,
le libre discret.
Il est mieux que libre ?
Il a un secret,
un fond de sainteté abandonnée.
Et une tendreté
constante,
ou philosophie.
Mais poésie voit sa philosophie,
et il en sourit.


3. BRIQUES

Nancy joue les mots avec les mots.
Il contacte et tresse.
Des phrases sont par terre.
Nancy les met sur table,
posément.
Contacter, c’est poser les mots
un par un, comme des briques aimables.
Il fait un mur de terre.
Pour un bal sur terre.
Ou couche le mur pour partager
dessus. Mur-table,
avec les provisions calmes.

Mais les briques Tudor de maintenant
composent.

© Philippe Beck


Notes :

[1] Sous-titré « Un art poétique », car tel avait été le sens de la commande de Barbara Cassin et Alain Badiou. Le livre parut en 2015 aux éditions Fayard.

[2] Garde-manche hypocrite, Fourbis. À peu près à l’époque où Jean Christophe Bailly disait que le réel vivant de la littérature avait lieu désormais en poésie.

[3] Hegel, Préface aux Principes de la philosophie du droit, 1820.

[4] Première parution dans le dossier, coordonné par Ginette Michaud, que la revue « Europe » consacra à Nancy, numéro 960, avril 2009. Merci à Jean-Baptiste Para d’en avoir autorisé la nouvelle publication ici, et à Ginette Michaud de me les avoir « commandés ».

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