
Bernard Stiegler @ Lamiot (2014)
Je viens d’apprendre la mort du philosophe Bernard Stiegler. En toute honnêteté, j’aurai aimé faire semblant de ne pas être affecté, j’aurai même aimé faire semblant d’être attristé ; mais en vérité, quelques larmes ont coulé pour un homme dont, je pense, on ne mesure pas l’importance et la grandeur d’âme.
A mes yeux, et de façon tout à fait personnelle, il entre dans cette catégorie très fermée des « mystiques », dont le génie philosophique réside précisément en cette faculté de pouvoir réussir à laïciser le mystère religieux, la religion en général, la foi, a fortiori – en plus, évidemment, de toutes ses autres qualités et apports théoriques. Ce qui m’a le plus fasciné chez ce philosophe, c’est précisément cette facilité qu’il avait à pouvoir extraire de la religion – mais aussi, d’autres formes culturelles et symboliques – son noyau rationnel, d’être capable de la rendre intelligible et surtout « praticable » par tous et pour tous. Me vient à l’esprit l’une de ses conférences ou, disait-il en souriant, mais de façon tout à fait sérieuse : « Il faut toujours dire ‘‘Inch’Allah’’ ! » (Sentence qu’il reprend dans son livre Dans la disruption) ; ce « Inch’Allah », à mes yeux, a plus de valeur que n’importe quel autre « Inch’Allah » d’un ‘‘simple croyant’’, dans la mesure où ce premier, dans la bouche de ce philosophe athée, est gage non pas d’une simple compréhension théorique, mais bien d’une expérience vécue, à la façon des mystiques précisément qui opposent connaissance apodictique et expérience spirituelle. En cela, Stiegler est semblable à ces philosophes dont parlait Ibn Arabi :
« Si certains philosophes expérimentent les états spirituels [de manière effective], à l’instar du divin Platon, cela demeure extrêmement rare. Ces philosophes sont alors semblables aux hommes du dévoilement [des secrets spirituels] et de la contemplation [de Dieu]. »[1]
Son « autobiographie philosophique » – Passer à l’acte – est à ce titre exemplaire et fait beaucoup songer aux épitres de ces religieux initiés aux mystères comme Abu Hamid Al Ghazali dans sa Délivrance de l’erreur[2], entre autres. Certains passages laissent parfois pantois, tant la ressemblance avec ces êtres religieux d’exceptions est sidérante. En témoigne ce qu’il dit de la « discipline » qu’il s’est « infligé » lors de son passage en prison :
« La prison, c’est l’ascèse sans arrêt – à l’exception des cers micro-interruptions que sont les visites et, quand en arrive le temps, les permissions de sortir. Je finis par craindre (tout en les désirant aussi) ces micro-interruptions du silence en quoi consiste l’ascèse. J’évitais même, autant que possible, les ‘‘promenades’’ qui rompaient ce silence que j’appris à aimer. Quand on commence à pratiquer systématiquement l’expérience de son milieu pré-individuel vécu, devenu accessible pour lui-même, hors le contexte du monde, comme un milieu presque palpable – un peu comme l’air devient sensible tel un liquide, lorsque, roulant à grande vitesse, on sort sa main hors du véhicule –, étant hors contexte et ayant suspendu absolument toute relation à un milieu signifiant que ce que l’on porte et réactive soi-même, ou comme ce vers quoi l’on va délibérément – tel ce lire que l’on lit, que l’on dévore, ou que l’on produit, que l’on écrit –, alors, si tout à coup on se trouve confronté à des micro-interruptions de cette ascèse, paradoxalement, on souffre énormément : on découvre que, finalement, c’est une souffrance d’être ‘‘libre’’. C’est une souffrance parce que, la plupart du temps, cela se produit, non pas comme liberté, mais précisément comme aliénation. On s’aperçoit alors avec stupeur que, dans sa cellule, on est beaucoup plus libre, ou du moins que la liberté y est beaucoup plus accessible, beaucoup plus pure, même si, précisément, elle apparaît alors essentiellement comme étant la fragilité, ce qui est intrinsèquement fragile, ce qui doit faire l’objet de tous les soins, d’un véritable culte, d’une culture. Cette culture, c’est ce que j’ai nommé, après Epicète, ma mélétè. »[3]

Abu Hamid Al Ghazali
Cette mélétè fut un « ensemble de disciplines ». Une discipline à la fois spirituelle et corporelle : difficile, rigoureuse, contraignante, répétitive, automatisée pour mieux désautomatiser des habitus bien enracinés dans les corps et les esprits. Une discipline impliquant de scruter son « âme » – son « âme noétique » mais aussi « sensitive » – à la manière d’un dévot faisant retour sur soi, essayant de déterminer les causes de ses manquements et d’y remédier par la praxis religieuse. A la manière d’un Ghazali à propos de la « prière », l’étude aura été pour Stiegler cette porte ouvrant à l’individuation et à la liberté – authentique. Le théologien musulman expliquait en ce sens que la prière rituelle et ses différents dérivés se devaient d’être des moments de rupture avec le monde, ouvrant le sujet à un autre temps que le temps mondain. En ce domaine, le croyant se doit donc d’avoir une volonté, une intention et une attention toute entière orienté vers Dieu seul ; en ce sens, il se doit d’éliminer et de s’éloigner – en lui et hors de lui – de tous ce qui pourrait le détourner de cet objet de désir :
« (…) Que plus aucune pensée [ni aucun désirs, objets, ou autres, N.D.A] ne vienne les déranger dans leur prière et que leurs négligences passées leur soient pardonnées, tel est ce qu’ils recherchaient en agissant de la sorte. Il n’est de remède radical que de s’attaquer à la racine du mal. »[4]
C’est pourquoi, expliquait le philosophe de la technique dans une de ses conférences : « Tous ce qui est culturel doit être cultivé, c’est-à-dire, faire l’objet d’un culte. » Mais, à la différence près, qui fait toute la différence, que la « conversion » spirituelle de Stiegler aura été à l’égard de la philosophie – fort heureusement – à défaut du religieux. Il expliquait dans un entretien :
« Malcom X raconte qu’en fait, en prison, il a découvert la lecture. Et à travers la lecture, il a opéré une conversion [à la religion, N.D.A]. (…) Il se trouve que moi aussi j’ai vécu une conversion de ce type [en prison]. Mais j’ai eu la chance de vivre une conversion à la philosophie, et non pas à la religion. A la question de la vérité, et non pas à la croyance. »
Et, en ce sens, l’étude orientera le désir de ce proto-philosophe emprisonné vers la question de la « vérité » – qui est le seul objectif légitime du philosophe :
« (…) d’emblée – c’est ainsi que commence l’histoire de la philosophie, et toute histoire individuelle d’un philosophe –, la question de la vérité est celle de la vérité de l’origine, la question de l’origine vraie, qui s’expose pour la première fois, sous sa forme proprement philosophique, dans Ménon, et comme question de l’origine de la vertu, et de son exemplarité (…) Lorsque, pour la première fois, elles m’apparurent comme telles, les questions de l’origine et de la réminiscence se présentèrent à moi d’emblée comme la question de la vérité. De fait, la question de l’origine est la question de la vérité de l’origine, et c’est immédiatement, en cela, la question de la vérité même. »[5]
De là, que sa définition de la philosophie, qu’il considérait autant comme une discipline théorique que comme une véritable praxis à la manière des Anciens[6], puissent se résumer à ceci :
« Quelles sont les questions de la philosophie ?, demandait-il, : Qu’est-ce que c’est que le Juste pour le distinguer de l’Injuste ? Qu’est-ce que c’est que le Vrai pour le distinguer du Faux ? Et qu’est-ce que c’est que le Beau, pour le distinguer du Laid ? Voilà les trois questions des philosophes. »[7]
Ces « Idées régulatrices » au sens de Kant – ou ces « idéaux moraux et ascétiques » au sens de Nietzsche –, que sont le « Bien », le « Beau », le « Juste », le « Vrai », etc., incarnent ce que Stiegler appelle des « consistances »[8], c’est-à-dire, des ensembles non opposés de motifs et de rationalités, qui, tout en ne point existant et précisément parce qu’ils n’existent pas, ne peuvent faire l’objet d’un « calcul », et donc, ouvrent le sujet à une infinitisation de son être – une individuation – en tant que projection au-delà de toute subsistance et composant avec l’incalculable[9].Parce que ces consistances sont, de façon fictionnelles, infinies, elles infinitisent le sujet qui les épouse et tente de faire corps avec elles. Comme il tentait de l’expliquer dans une conférence, résumant le processus d’indentification primaire puis secondaire, l’adolescent doit – comme l’adulte tout court –, à un moment donné, pouvoir s’identifier à autre chose que ses propres relations intrafamiliales, en l’occurrence, à des « savoirs », qui ont pour propriété, l’universel :
« Par exemple : la géométrie, la musique romantique du XIXème siècle, la peinture ou le dessin animé, mais des choses qui sont des savoirs. C’est-à-dire que tout à coup, l’identification secondaire va se projeter dans des espaces de savoirs, et je vais m’identifier à Labatchevski si je suis géomètre, à Picasso si je suis peintre, à un super sportif si je suis un sportif, etc. Mais je vais m’identifier tout à coup à des objets de savoir – de sublimation dira Freud. »[10]

Emmanuel Kant
Et ces savoirs auxquels s’identifient les individus, en tant que participant de l’universel, ont pour conséquence à la fois de dénarcissiser les individus mais aussi de les élever, puisque l’identification, désormais, ne se contente plus d’objet particulier, identifiable et intrinsèquement ontique – tel ou tel individu particulier –, mais bien à de l’incommensurable, à quelque chose qui dépasse tout en intégrant l’individu particulier – d’où l’incalculable – : les Sciences, la Philosophie, l’Art, la Politique, l’Amour[11]. Parce que ces objets d’identifications secondaires sont incommensurables, dépassent les individus, ils constituent des objets de désir infinis, sans fin :
« Le désir – dans la deuxième théorie du désir chez Freud –, c’est : l’investissement d’objet qui consiste à transformer les pulsions et à détourner la satisfaction des pulsions pour produire de l’investissement dans le long terme, et, non seulement dans le long terme mais dans le temps infini. Ça s’appelle ‘‘Roméo et Juliette’’. Roméo aime Juliette à l’infini, Juliette aime Roméo à l’infini. Et Husserl dit à propos de la géométrie : un géomètre aime la géométrie à l’infini, et la géométrie pour tous géomètres, c’est quelque chose d’infini. Tout comme pour un pianiste, tel sonate de Beethoven, on pourra à l’infini l’interpréter, etc. La libido, c’est ce qui a un rapport à l’infini, c’est-à-dire, qui ne peut pas être réduit à quelque chose de calculable. Le fini ça se calcule, l’infini ça ne se calcule pas, et ça produit ce qu’on appelle de l’idéalisation – des idées au sens de Platon ou de Kant, et de l’idéal au sens de Freud. »[12]
Des consistances donc, qu’il ne s’agit pas seulement de chercher et de penser, mais aussi de pratiquer, de pratiquer à mort s’il le faut, tel Socrate, et tel qu’il s’est essayé de le faire tout au long de sa vie, et en cela, de les cultiver comme ‘‘objet’’ de culte et de culture ; car le « dire philosophique est nécessairement aussi un faire, à mort, et cette théoria est toujours aussi une praxis – faute de quoi ce n’est qu’un bavardage. La question de la philosophie est d’abord celle de l’action. »[13] De là que l’éthos philosophique et intellectuel de Stiegler a toujours plus ou moins dérangé ou a été regardé avec méfiance, voire mépris. C’est que Stiegler est de ces philosophes « hors-les-murs » pour reprendre le mot de Mehdi Belhaj-Kacem[14], qui développent leurs œuvres en dehors de l’Université. Bien-sûr, Stiegler était un universitaire et un enseignant, mais ne s’est jamais contenté de ces postes de fonctionnaires – en bon « hérétique » qu’il était, qui n’aura pas eu cette chance d’être véritablement « consacré »[15]de son vivant tel Lévi-Strauss, Foucault, Derrida, Deleuze ou Bourdieu. Toujours, il a pris la vie mondaine à bras le corps, et s’est engagé tête la première dans la ‘‘boue’’ de la cité. Précisément ce qu’exècre tout scolastique qui se respecte. En ce sens, Stiegler incarne effectivement la figure de l’« intellectuel engagé » dans la vie de la polis, mais aussi, de l’« intellectuel collectif » dont parlait Bourdieu, dans la mesure où il regroupait autour de lui, non seulement une multitude de disciplines et de praticiens – physique, chimie, médecine, psychologie, psychanalyse, droit, mathématiques, biologie, anthropologie, sociologie, économie, etc. –, mais aussi, nombre de personne dit de la « vie active » selon l’expression consacrée – banquiers, PDG, salariés de grandes entreprises, investisseurs, autoentrepreneurs, intermittents du spectacle, ouvriers, élus locaux, politiciens, etc. Bref, Stiegler, voulait être total, et faire contribuer autrui à cet individuation psychique et collective qu’il appelait de ses vœux.
Bernard Stiegler a beaucoup parlé de la technique, de la mémoire, du temps, du capitalisme, du marketing, etc. Mais je crois qu’en vérité, ce qui le caractérise le plus, finalement, c’est une pensée de l’amour – une pensée de l’amour qui ne s’énonce jamais comme telle et qui pourtant transparait dans chacun de ses textes. Exemple :
« L’objet de désir suscite une croyance spontanée dans la vie qui se présente à travers lui comme puissance extra-ordinaire. Tout amour est fantasmatique au sens où il donne vie à ce qui n’est pas – à ce qui n’est pas ordinairement. Mais parce que la fantaisie de l’aimant (…) est ce qui donne leurs formes les plus durables aux civilisations, le sentiment littéralement fantastique en quoi consiste l’amour est l’incarnation d’un savoir de l’extra-ordinarité de la vie qui sans cesse dépasse la vie – par ou la vie invente (…) en allant au-delà de la vie, et comme poursuite de la vie par d’autres moyens que la vie : par la profusion et l’évolution sans cesse plus vives des artifices. »[16]
Un amour de la vie donc, d’où sa furieuse volonté de la préserver, de la défendre contre les désastres à venir ; certains de ses titres d’ouvrages sont tellement évocateurs de cette idée : Aimer, s’aimer, nous aimer ; Prendre soin. De la jeunesse et des générations ; Ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue ; Qu’appelle-t-on panser ?, etc. Car oui, Stiegler était un panseur, avec un « a », une pensée de la thérapie et du soin, donc de l’amour. Lui qui expliquait en reprenant Winnicott que « ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue » réside finalement en l’amour, et rien de plus :
« Pour Donald Winnicott, écrit-il, la mère, par le soin qu’elle prend du tout petit enfant qui ne parle pas encore, lui enseigne que la vie vaut le coup d’être vécue. Elle installe en lui ce sentiment que la vie vaut le coup d’être vécue. »[17]
De la même façon, la pensée de Stiegler, installe dans la conscience de son lecteur que la vie vaut effectivement la peine d’être vécue, mais surtout, qu’elle est précaire, fragile, finie et encerclée par toutes sortes de danger. En ce sens, Bernard Stiegler était en somme, un « prophète de malheur », pour notre plus grand bonheur. Un « prophète de malheur », c’est-à-dire, pour reprendre Jean-Pierre Dupuy : celui qui tente de « rendre crédible la perspective de la catastrophe », ce qui nécessite « que l’on accroisse la force ontologique de son inscription dans l’avenir. Les souffrances et les morts annoncées se produiront inévitablement, tel un destin inexorable. (…) Mais si l’on réussit trop bien dans cette tâche, on aura perdu de vue sa finalité, qui est précisément de motiver la prise de conscience et l’action afin que la catastrophe ne se produise pas – ‘‘laisse-moi t’aider à construire l’arche, pour que cela devienne faux’’. »[18] Un « prophète de malheur » donc, et quelle joie de lire et d’écouter ses misères, aussi terrifiantes qu’elles puissent-être, car comme tout prophète, il finit toujours par nous rassurer en nous responsabilisant et nous inciter à agir, avec foi et intelligence.

Zinedine Zidane © A. Hernandez
Monsieur Stiegler je ne vous ai vu qu’une seule fois dans le réel, c’était dans le métro parisien. A l’époque je ne vous avais encore jamais lu, alors je ne suis pas venu vous voir, j’avais trop honte, trop intimidé à l’idée de ne rien pouvoir vous dire. Je le regrette aujourd’hui, car j’aurai aimé vous dire dans les yeux combien je vous aime. Dans La télécratie contre la démocratie, vous écrivez :
« La grandeur de Zinédine Zidane réside, outre son jeu, dans un geste qui a sublimé tout calcul, et qui a donné un sens profond, profondément politique et absolument inespéré, à la Coupe du monde de football 2006 : le sens de ce que les Grecs appelaient l’aidôs (que l’on traduit par honte, mais aussi par honneur). Zinédine Zidane aura été, en cela, « l’honneur de la France ». Et les Français ne s’y seront pas trompés : le lendemain du match de cette Coupe du monde au cours duquel il dut sortir du terrain après avoir été provoqué par un adversaire, et ayant ainsi fait perdre son équipe, 61% d’entre eux disaient lui avoir ‘‘pardonné’’, 74% disaient admirer l’équipe qu’il avait dirigée, et 78% le considéraient être le meilleur joueur de cette coupe. Ces Français aiment Zidane. Et cela les rend heureux (et cela fait enrager Jean-Marie Le Pen et quelques autres). Car qu’est-ce qui peut rendre plus heureux qu’aimer ? Zinédine Zidane est devenu un symbole encore plus puissant parce qu’il a préféré perdre un match qui couronnait toute sa carrière plutôt que de perdre ce qu’il considérait être alors son honneur, et les Français l’ont bien compris, et ils l’ont admiré pour cela. Une individuation psychique et collective, sans laquelle ne peut se former aucun espace politique, est ce qui cultive de tels symboles qui tirent vers le meilleur, en indiquant le sens contraire du pire, à savoir qu’il y a un au-delà du calcul, et que cet au-delà est cependant sur terre, et, précisément pour cela, qu’il peut et doit faire l’objet d’une politique, et pas seulement d’une politique confessionnelle : il faut ‘‘croire en ce monde’’, disait Deleuze pour cela. »[19]
Je me souviens qu’après avoir lu ces lignes, je m’étais arrêté pendant quelques secondes, et j’ai dit en mon cœur : « Non, vraiment, j’aime cet homme. Seigneur, j’aime cet homme, accorde-lui le meilleur » Car, vous aussi, vous sublimez tout calcul par votre pensée, votre lucidité, votre courage, votre parcours de vie, et surtout, vous nous indiquez le « meilleur » en indiquant le sens contraire du pire. Vous constituez pour moi, assurément, un exemple à suivre, en compagnie de mon père, de mon grand-père, Zidane, Socrate, Jésus, Moise, Badiou, Bourdieu et quelques autres. Un modèle donc, de ceux qui fructifient en eux cet amour et ce « courage de la vérité » (parésia), de ceux qui aiment à dire – et à faire – :
« Il m’est apparu qu’il était de mon devoir, d’une certaine manière, et c’est un mot lourd, dont cependant j’assume le poids, il était de mon devoir de dire, sinon la vérité, du moins la nécessité de dire la vérité, et de le faire en tentant d’aller autant que possible au bout de ‘‘ma vérité’’ (…) »[20]
Vous qui avez osé dire, à propos de Richard Durn, « Paix à son âme. » Paix à votre âme Monsieur Stiegler. Puisse Dieu – si un tel être existe – vous accueillir et vous aimer. Je suis profondément attristé de votre perte, car je vous ai aimé sincèrement et continuerai de vous aimer comme vous nous avez tant aimé.
Allah y rahmo.
© Zinedine Gaid
Notes :
[1] Ibn Arabi, Futuhat Makkiya (Les illuminations de la Mecque), IV, 226, p.245, traduction Islam Al-Maliki.
[2] Abu Hamid Al Gahzali, Al Munqid Min Adalal (La Délivrance de l’Erreur), Commission libanaise pour la traduction des chefs-d ’œuvres, Beyrouth, 1969
[3] Bernard Stiegler, Passer à l’acte, Galilée, Paris, 2003, p.42-44
[4] Abu Hamid Al Ghazali, « Les Secrets de la prière en islam », Revivification des sciences religieuses, Paris, Albouraq, 2001
[5] Bernard Stiegler, Passer à l’acte, opus cité, p.20-21-27
[6] Pierre Hadot, La philosophie comme manière de vivre, Le livre de poche, Paris, 2003
[7] Bernard Stiegler, « A quoi sert l’art ? », https://www.youtube.com/watch?v=-3mrwqeFGao
[8] Bernard Stiegler, Mécréance et discrédit. La décadence des démocraties industrielles, Tome 1, Galilée, Paris, 2004, p.125-129
[9] Ibid., p.125
[10] Bernard Stiegler, « Les écrans et la jeunesse », https://www.youtube.com/watch?v=1OLu1qSmaHE&t=668s
[11] On reconnaîtra les quatre « procédures génériques de vérités » (la philosophie exceptée) d’Alain Badiou ici. Cette comparaison étant volontaire de ma part, dans la mesure ou, dans un autre entretien, à la question de savoir quel était l’un des philosophes encore vivant le plus important à ses yeux, Stiegler répondra : « Alain Badiou ».
[12] Ibid.
[13] Bernard Stiegler, Passer à l’acte, opus cité, p.19-20
[14] Mehdi Belhaj-Kacem, « Philosopher hors les murs », in Système du pléonectique, Diaphanes, Paris-Berlin, 2020
[15] Pierre Bourdieu, Homo academicus, Les Éditions de minuits, Paris, 1984
[16] Bernard Stiegler, La société automatique. L’Avenir du travail, Tome 1., Fayard, Paris, 2015, p.45
[17] Bernard Stiegler, Ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue. De la pharmacologie, Flammarion, Paris, 2010, p.11-12
[18] Jean-Pierre Dupuy, Petite métaphysique des tsunamis, Seuil, Paris, 2005, p.11
[19] Bernard Stiegler, La télécratie contre la démocratie, Flammarion, Paris, 2008, p.84-85
[20] Bernard Stiegler, Passer à l’acte, opus cité, p.28