Cinéma/Pour 2020

Pour 2020 | (Re)voir « The Lighthouse » de Robert Eggers avant qu’il ne soit trop tard

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Pour peupler vos bibliothèques et vous donner envie de lire ou relire des ouvrages en 2020, nous vous proposons pendant cette semaine, un conseil par jour d’un de nos auteurs à propos d’un ouvrage lui tenant particulièrement à coeur et qu’il est urgent de lire cette année. C’est Grégoire von Muckensturm qui prolonge cette série avec The Lighthouse de Robert Eggers.


Après le sublimissime The VVitch (objectivité maximale), Robert Eggers signe The Lighthouse. Chaque fois les titres sont évocateurs et laissent facilement percevoir ce dont il sera question. The Lighthouse suit simplement deux gardiens de phares coincés sur leur île, la relève ne pouvant se frayer un chemin à travers la tempête qui empêche tout accostage. Dans l’attente, leur relation se détériorera au rythme de la météo environnante.

Ce film se pose de manière forte, notamment par son parti pris visuel. Nous sommes fin 2019 et une décennie de cinéma sommes toutes assez banale se termine sur un écran carré en nuances de gris. Le caractère inhabituel du format 4/3 dans une salle de cinéma emprisonne tout de suite le regard des spectateurs mais surtout les personnages. Point de vastes champs et forêts où se perdent les protagonistes de The VVitch, ici l’humain occupe tout l’espace car il n’y a rien d’autre que lui. Le noir et blanc associé à un tel sentiment de claustrophobie n’est pas sans rappeler Le Ruban blanc. Mais comme avec le format, Robert Eggers fait une utilisation originale de cette esthétique. Le noir et blanc est connu pour insuffler un sentiment de nostalgie et embellir les choses. Il agit comme un filtre atténuant les défauts. Ce qui n’est absolument pas le cas dans The Lighthouse. C’est même tout l’inverse. Avec sa brume et ses gros plans emplis de sueur et de crasse, l’écran se tache de formes noires profondes et indéfinissables mais toujours suintantes. Le noir est blanc n’est pas utilisé pour accentuer le beau mais le sale. Ce qui le justifie d’autant plus et lui donne un nouveau potentiel.483170-the-lighthouse-avec-robert-pattinson-la-bande-annonceLa partie sonore n’est pas en reste et participe autant à l’ambiance que l’esthétique visuelle. Ce qui était déjà présent dans The VVitch qui avait demandé la fabrication d’un instrument acoustique dédié à la réalisation de sons horrifiques. Dans The Lighthousec’est sans doute le phare lui-même qui s’accapare le plus de présence sonore. Dès l’ouverture mémorable pour son absence totale de mouvements et de sons si ce n’est le souffle de corne de brume assourdissant (assez puissant pour faire trembler les corps et les murs). Nul doute que ce son s’inscrira parmi les grands traumatismes cinématographiques. Lequel sera ensuite rejoint par tous les bruitages possibles de machinerie mais également d’origine naturelle, vague, vent, pluie, mouette et… pets, afin de former à eux seuls le fond sonore, aussi épuré que pesant. Un autre point semblable à sa première oeuvre, tournée en vieil anglais, est l’amour de la langue qui n’a pas disparu. Les échanges poussifs du duos de personnages finiront par se changer en monologues poético-absurdes interminables teintés de folie et du classique Rime of the ancient mariner. Ce qui ne changera rien à l’atmosphère sombre de solitude et d’emprisonnement qui est au final le cœur du propos. Il ne s’agit pas seulement de drame, de folie ou de fantastique, les genres se mélangent pour rendre le tout indéfinissable, ne reste à la fin qu’une ambiance lugubre et un profond malaise.

Pour ma part, la dernière décennie a été entièrement marquée par la découverte de la filmographie de Nicolas Winding Refn et j’attends et j’espère que la prochaine sera celle de Robert Eggers qui devrait lui succéder brillamment.

© Grégoire von Muckensturm

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