Pamphlet/Philosophie/Un philosophe à l'épreuve des faits

Un philosophe à l’épreuve des faits | Introduction aux problèmes

Diogène, Jean-Léon Gérôme

Diogène, Jean-Léon Gérôme

La fonction de la philosophie est d’apporter une réflexion et une pensée sur le monde qui nous entoure. Si sa puissance peut s’enraciner dans l’émotion, l’acte de philosopher dépasse l’émotion afin de penser. Et penser, c’est prendre du recul, c’est critiquer, c’est mettre à distance.

Face aux événements terribles qui ont marqué la France, dont le peuple avait oublié le vécu de la violence politique, la philosophie nous serait-elle d’un certain secours ? Mais, dans une telle situation, nous comprenons ensemble que les causes des faits sont extrêmement complexes. En faire l’histoire est donc précipité. En outre, le propre de la philosophie est d’interroger le sens des concepts que nous utilisons. C’est donc cette dernière tâche que je vais tenter, avec vous, de mettre en œuvre : interrogeons-nous sur le sens des concepts que nous utilisons. Car, c’est en comprenant les problèmes que soulèvent nos concepts que nous pourrons mieux les maîtriser, et si l’homme pense avant d’agir, surtout en politique, alors cette pensée active aura-t-elle quelque portée pour nous ?

Les médias nous ont servi comme « philosophie » la réaction d’imminents « philosophes » à propos des attentats récents. Qu’ont-ils dit nos chers philosophes médiatiques ? Finkielkraut (sur i-télé), par exemple, a idéologisé en dénonçant les « quartiers populaires » qui n’ont pas assisté à la marche républicaine, puis en dénonçant la « violence islamiste », en dénonçant, enfin, la capitulation de la « France Black Blanc Beurre » puisque les blacks et les beurres n’étaient pas dans la rue contrairement au jour de « la victoire de l’équipe de France de Foot en 1998 » dixit Finkielkraut : en bref, toute la faute est à cette partie de la France non française des quartiers populaires à majorité immigrée et musulmane. Quelle leçon de philosophie !

Alain Finkielkraut

Alain Finkielkraut

BHL, quant à lui, dans les colonnes du Monde a appelé à une « guerre juste » contre un ennemi qu’il n’a pas d’ailleurs clairement désigné, les terroristes ? Les musulmans ? Ce n’est pas bien clair. Mais nous expliquera-t-il les raisons d’une guerre ? Nous expliquera-t-il les raisons du terrorisme ? Commencera-t-il à peine l’ébauche d’une réflexion sur les religions et la diversité des cultures ? Nous expliquera-t-il ce qu’est une « guerre juste » ? Sera-t-il assez bienveillant pour nous expliquer si la guerre est justifiable, légitime ? Non, pensez-vous ! Des injonctions à faire la guerre sans expliquer, sans justifier, sans définir, en un mot sans raisonner ! Oserons-nous l’appeler « philosophe » ? Et c’est bien pourtant le titre glorieux ( !) que lui confèrent nos médias. Reconnaissons qu’il a cette capacité rhétorique, devrai-je dire sophistique, pour habiller l’injonction irrationnelle à la guerre par de belles banalités sur les démocraties et leurs ennemis, les dictatures, les terroristes, etc.

J’ai précisément choisi ces deux personnages parce qu’ils interviennent dans de grands médias, et même si nous le regrettons, ces médias sont les plus suivis (aux deux sens du terme !) et forment bien souvent l’opinion dominante. Que dire de la philosophie dans les médias de masse ? Elle fait si peu de philosophie. Pire encore ! Le philosophe est l’habit de l’idéologue ; la philosophie le déguisement de l’idéologie. Des idéologues de la pensée déguisent un discours politique et idéologique sous les apparats de la pensée critique et objective que nous sommes tenus d’attendre d’un philosophe dont le discours est un examen critique et rationnel des idées et des opinions.

Bernard-Henri Lévy, dit BHL

Bernard-Henri Lévy, dit BHL

Ou peut-être cette dernière délimitation de la philosophie n’est-elle plus en vogue aujourd’hui ? Et pourtant ! Si la philosophie n’est pas l’art politique, elle est aussi, faut-il le rappeler, science politique. Et si nous considérons que l’art politique peut atteindre sa finalité quand il est éclairé par un savoir, par une science politique saine, alors nous comprendrons combien la philosophie, malgré la généralité de son discours, peut apporter une lumière et s’approcher au plus près de la situation.

Vous excuserez donc un homme philosophant de philosopher, et vous excuserez le lecteur philosophant (que vous êtes) de philosopher. Quand on voit que la ministre de l’Education Nationale veut que les enseignants luttent contre la diffusion de la théorie du complot, on ne peut s’empêcher de penser, à la vue des philosophes que les médias nous proposent, qu’il existe un véritable complot contre la philosophie ! Comment fera ce « salaud » de prof. de philo., en  plagiant, tout en la déformant, la chanson des années 68 de Renaud, pour lutter contre lui-même ?

Faisant nôtre l’exigence de l’esprit critique et de l’esprit rationnel, nous devons soulever un certain nombre d’interrogations sur les attentats, questions qui portent précisément sur l’usage et la signification d’un certain nombre de notions et des faits qui sont liés à ces notions : 1) les religions ; 2) la liberté d’expression ; 3) la tolérance ; 4) la laïcité ; 5) la question de la légitimité de la violence et de la guerre ; 6) ce qu’est le terrorisme.

© Philarété 

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3 réflexions sur “Un philosophe à l’épreuve des faits | Introduction aux problèmes

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